ECOCITÉS EN MÉDITÉRRANÉE



ENTRETIEN L
'ORIENT LE JOUR DR RIMA TARABAY
• Que pensez-vous de la construction de stations de traitement secondaire des eaux usées par le CDR au Liban?



Le Liban se déploie sur 225 km le long de la Méditerranée, 50 à 80 % de la population, selon la saison, vit sur la côte. La quasi-totalité de l’activité économique libanaise se concentre sur le littoral. Selon l’Atlas du Liban 2007, les densités sont supérieures à 1300 habitants par km2.

Il était donc temps que le CDR mette en œuvre un projet qui date déjà depuis plusieurs années et qui aurait dû être une priorité de l’Etat. Mais je trouve qu’il est vraiment dommage que les experts au sein du CDR n’aient pas réalisé que la construction de ce type de station devient de plus en plus obsolète.

Comment des stations de traitement secondaire pourront-elles réellement garantir la non nuisibilité des eaux usées déversées dans la mer et comment traite-t-on les eaux usées issues d’hôpitaux qui sont mélangées à celle des eaux usées urbaines et des eaux industrielles ?

Les retards qui ont eu lieu dans l’exécution de ces projets, dus à diverses raisons, auraient du servir à mieux évaluer les besoins du Liban et surtout à tirer des leçons des pays qui utilisent les traitements secondaires.

Plusieurs études ont été faites sur le rejet des eaux usées, en mer et dans les rivières. Aujourd’hui les failles du traitement secondaire sont clairement identifiées. En Europe pour y pallier on utilise systématiquement des procédés complémentaires pour que l’eau rejetée dans les fleuves ou dans la mer n’altère pas l’environnement.

Actuellement la plupart des pays développés tentent de réadapter les stations de traitement secondaire aux besoins actuels. La réutilisation des eaux usées étant une des principales priorités dans certain pays l’installation de procédés plus sophistiqués est inévitable celui du traitement tertiaire voir même quaternaire.

Une des premières richesses naturelles du Liban est son climat et sa côte. Trouvez-vous normal que nos plages soient dans l’état dans lequel elles sont ? Trouvez-vous normal que l’on ne puisse pas se baigner dans la mer à cause de la pollutions des eaux ?

Il est certain que la construction de stations de traitement des eaux usées est primordiale et devrait être une des priorités du gouvernement. Mais il faut avoir les usines de traitement adéquates et à mon avis ce sont les tertiaires qui seront les plus fiables et les plus efficaces.



• Le traitement tertiaire est-il plus efficace et rentable à long terme? Le traitement secondaire permet-il, à lui tout seul, de protéger l'environnement et la santé humaine? Si non, pourquoi?



M. Karam précise dans votre journal :” Ce qui manquera, ce sera le traitement viral ou de l’excédent de carbone, de nitrate et de phosphore, qui « n’est utile que si on veut réutiliser l’eau », selon l’expert. « C’est la raison pour laquelle, tant que le traitement tertiaire ne sera pas adopté, nous ne pouvons rediriger l’eau vers l’irrigation, explique-t-il… »

Si l’eau ne pourra pas être redirigée vers l’irrigation pourquoi pourra–t-elle être redirigée vers la mer où nos enfants nagent ?

Avec le recul que nous avons par rapport à ce genre de stations d’une part et les études qui nous montrent les conséquences catastrophiques de l’utilisation des produits chimiques d’autre part, des pesticides et autres produits sur l’environnement, nous devons être très vigilant.

Nous devons avoir une réelle vision d’avenir. Nous ne pouvons mettre en place des usines qui nous seront utiles que pour dix ans et les réadapter par la suite. Protéger aujourd’hui nos nappes phréatiques et nos eaux c’est protéger notre terre dans la durabilité.

Dans un article du journal le monde «  l’alarmante pollution de l’eau par les médicaments » daté du 3/02/09, les pays où les stations d’épuration d’eau secondaires sont présentes en quantité suffisantes n’éliminent pas les résidus médicamenteux que l’on retrouve dans les nappes phréatiques et dans l’eau potable. On retrouves des germes pathogènes,  des traces d’antibiotique, des métablocants, des analgisants qui nuisent fortement aux espèces vivants en milieu aquatique et pourront peut être nuire à l’homme à long terme.

Il faut donc utiliser les procédés les plus performants qui protègent notre sol, notre environnement notre santé. Le système du traitement secondaire a ses limites et ne permet pas d’éliminer les résidus pathogènes. Il est certain que le traitement tertiaire est celui qui doit être utilisé aujourd’hui. Il permet un rejet des eaux usées dans les cours d’eau et la mer sans que cela n’affecte l’environnement. Nous pourrons réutiliser l’eau pour irriguer nos terres agricoles surtout durant les saisons sèches.

Au Liban, nous voulons toujours être à la pointe dans plusieurs domaines, pourquoi ne le serions-nous pas lorsqu’il s’agit de notre environnement et la préservation de cet environnement ?






• Est-il possible de transformer une station de traitement secondaire en traitement tertiaire après coup?

Certainement, il faut juste qu’il y ait assez d’espace à côte de cette station pour en construire une autre qui permettrait à l’eau déjà traitée en secondaire de repasser dans le système tertiaire. A ce moment le rejet de cette eau traitée pourra être rejetée dans la mer.

Le problème qui se pose surtout dans les villes du littoral où il y a une forte concentration de population est que le terrain est très cher. Donc pourquoi construire une station de traitement secondaire et ne pas aller directement à la tertiaire telle que préconisé par tous les centres d’études sur l’environnement?

4- Quelle est la différence de coût entre la construction d'une station de traitement secondaire, et une autre de traitement tertiaire? Une éventuelle différence de prix justifie-t-elle le recours à la première solution au lieu de la seconde?



Il est probable que le coût sera plus élevé en fonction du type de traitement. Selon le rapport du plan Bleu 2008 rédigé par Fadi Comair, “ Gestion intégrée des ressources en eau au Liban” la station de traitement de Tripoli aurait coûté 100 millions d’euro. Je ne connais pas le coût d’une station tertiaire il faudra demander aux experts du CDR parce que cela dépend de plusieurs facteurs : nombre d habitants, surface, est ce que c’est une station compacte ou pas ? quel type de station secondaire ? avec quel système de traitement ? ( il y en a plusieurs).

Le choix de la station de traitement secondaire est-il juste lié au coût ? Je ne peux être catégorique, il est probable aussi qu’il y ait un manque de connaissance à ce niveau. Je ne pense pas non plus qu’une station de type tertiaire couterait le double.

Dans tous les cas lorsqu’il s’agit de la santé publique et de la préservation du patrimoine, la question d’argent ne devra pas se poser.

5- Vous dites que vous faites partie des personnes qui ont décidé d'alerter les autorités à ce problème. Quelles sont les réponses qui vous ont été données? Pourquoi pensez-vous que la préférence va aux stations de traitement secondaire?

Lorsque en 2002 nous avions mis en place avec Rafik Hariri (premier ministre du Liban) l’ONG Bahr Loubnan , nous avions commandé au préalable un bilan de la situation qui a été réalisé par Karim Makdissi spécialiste des questions liées à la pollution de la côte.

Le bilan a montré qu’il n’y avait aucune station de traitement des eaux usées. Il fallait donc avant toutes actions sur le terrain s’attaquer à l’origine du problème.

Il était vital d’avoir des stations de traitement des eaux usées. Le CDR avait déjà en 1996 inclus ce volet dans ses actions et il avait été décidé lors d’un octroi de prêt par le Japon la construction de plusieurs stations de traitement secondaire des eaux usées.

C’est à la suite de nos actions sur le terrain que nous avions constaté que pour avoir une eau conforme à la protection de l’environnement et surtout pour un pays où les lieux de baignades sont des atouts pour le tourisme, il était clair qu’il fallait choisir la solution la plus performante. Avions-nous le choix à cette époque ? je ne sais pas. Mais aujourd’hui avec le recul et à partir des recherches qui sont faites, il est certain que les stations secondaires ne sont plus d’actualité. En tant que pays en voie de développement, il ne faut pas systématiquement copier l’occident, mais savoir profiter de l’expérience de ces pays et des failles de leur système pour améliorer le nôtre. Aujourd’hui la France est le mauvais élève de l’union européenne concernant le traitement des eaux usées en raison du taux très important de rejet d’azote et de phosphore dans les rivières. Pourquoi devrions nous suivre leur exemple ?

J’avais parlé de ce problème avec Rafik Hariri qui n’était plus premier ministre à cette époque. Conscient de l’inefficacité du système, il avait promis qu’il allait tenter de le régler au plus vite mais malheureusement c’était quelques mois avant son assassinat. J’en ai par la suite parlé avec Fadel Challak qui été président du CDR et qui m’avait promis de s’en occuper mais cela n’a pas eu de suite.

Je pense que tout le monde est plus ou moins conscient que ces usines sont aujourd’hui de l’ancienne génération et qu’il est préférable d’agir autrement. Mais les prêts obtenus ont du être octroyés pour des stations de traitement secondaire et c’était une situation probablement sans issue. Néanmoins il faudrait que pour les prochains octrois exiger des stations tertiaires. Il faut avoir le courage de reconnaître ces fautes et en prendre acte pour l’avenir.


6- Quelles sont, selon vous, les principales sources de pollution de l'eau au Liban, et comment devrait être envisagée une politique globale de lutte contre la pollution côtière?

Le Liban est le pays du Proche-Orient aux précipitations annuelles moyennes les plus élevées, « Le volume de précipitation de pluie et de neige est estimé à 8,6 km3 par an » (Liban plan bleu 2000). Les sources d’eau ont toujours fait partie des richesses individuelles et collectives montagnardes. Les rivières riches en eau l’hiver, sont à sec en été et se transforment en décharges linéaires. Les massifs montagneux calcaires reçoivent des pluies importantes en saison froide. L’eau infiltrée dans les réseaux karstiques est restituée par des sources situées au pied des montagnes. La perméabilité de ces roches les rend sensibles à toutes les pollutions. « 70 % de toutes les sources naturelles d’eau et les eaux conduites sont exposées à une pollution bactériologique (qui a pour origine les villages de montagne) ; il en résulte que environ 66 % des réseaux urbains de distribution d’eau et 78 % des réseaux villageois sont contaminées de point de vue microbiologique » (1990, ministère libanais des ressources en eau et de l’électricité). Ce phénomène est principalement dû aux pollutions domestiques et aux déchets. La plupart de ces cours d’eau se déversent dans la mer et polluent le littoral. Les grandes agglomérations sont situées sur la côte, or le pays n’a jusqu'à ce jour aucune station d’épuration en fonction permettant le traitement des eaux usées avant leur déversement dans la mer.
Au plan sanitaire, l’eau des robinets est une source d’infection quotidienne. Des cas de typhoïde sont systématiquement signalés.
Des décharges comme celle de Saida et Tyr sont des sources de pollution quotidienne. Le surplus des déchets sont déversés systématiquement dans la mer. Il faut absolument régler ce problème au plus vite si non aucune politique sérieuse de mettre fin à la pollution de la côte ne peut être mise en place. C’est un travail de longue haleine, il faudra trier sur place les déchets en organiques et non organiques, voir ce qui peut être recyclé, utiliser les procédés de méthanisation et mettre fin au plus vite à source catastrophique de pollution.
Selon l’Atlas du Liban édition 2007..  « 
Le littoral recule sous les assauts de l’érosion marine en plusieurs secteurs. L’extraction de sable pour la construction et pour les remblais joue un rôle très important dans la déflation qui touche les plages du Sud. » En 1962 11% de la côte étaient artificialisés contre 48% en 2003.



Ce n’est que par une réelle prise de conscience tant au niveau des instances étatiques qu’au niveau de la population et des institutions privées, ONG et autres que nous pouvons tenter de remédier à cette situation alarmante. Une décentralisation des pouvoirs doit être mis en place pour donner une autonomie et un pouvoir concret aux mairies qui doivent être les premières concernées par la pollution de la côte. S’il y a une volonté politique pour régler le problème de pollution de la côte, elle doit se faire à plusieurs niveaux :



• Sur le plan législatif :
• Veiller à ce que toutes les lois pour protéger la côte soient conformes aux normes internationales.

• Mettre en place si nécessaire de nouvelles lois pour la protection du Littoral.

• Veiller à ce que ces lois soient appliquées en accord avec le ministère de l'Intérieur et avec d’autres instances gouvernementales compétentes, imposer de lourdes amendes à toute personne ou institution responsable de pollution.

Pour un pays comme le Liban où les principales villes sont côtières, déchets et eau sont intrinsèquement liés :
Une gestion des déchets est donc urgente :
• Mettre en place urgemment une politique de réglementation de la collecte des déchets et de la mise en place du tri ainsi que du recyclage sur tout le territoire libanais.

b- Empêcher que les dépotoirs ne se multiplient sur le cours des rivières en surveillant ces cours et en pénalisant les citoyens pour leur action non civique.
c- Trouver très rapidement des solutions pour les dépotoirs déjà présents en les fermant au public et trouver des solutions pour le ramassage des ordures. Il est impératif que le gouvernement libanais mette en place des aides aux mairies pour régler cette situation.
d- Sensibiliser la population au tri dans leur maison en organisant des conférences, dans les mairies et faisant du porte à porte dans les petites localités.
e- Mettre en place des poubelles de tri et construction des usines de méthanisation pour les déchets organiques et des usines de recyclages pour le verre, le papier, le carton, le fer etc…

3- Sur le plan Sanitaire et au niveau de l’eau :
• En accord et en collaboration avec les différentes instances concernées, mairies, laboratoires etc.. mettre au plus vite un plan d’action pour la gestion de l’eau, en terme de quantités et surtout en terme de qualité.
• Vérifier la salubrité des sources d’eau et de l’eau acheminée vers les maisons et des eaux de baignades.
• Informer le citoyen de la qualité et de la salubrité de l’eau d’une manière régulière.

4- Stations d’épuration d’eau :
a- Œuvrer pour la construction de stations d’épurations d’eau tertiaire sur tout le littoral Libanais
b- Veiller à ce que le
CDR mette en place au plus vite les stations tertiaires de recyclage des eaux usées

Le Bilan environnemental est catastrophique au Liban non seulement au niveau de la côte libanaise mais dans d’autres secteurs, comme la détérioration des forêts, la qualité de l’air, la pollution des terres agricoles etc... la santé des citoyens en pâti au quotidien. Je ne comprend pas comment les politiques ne sont pas conscients de ces faits et n’agissent pas au plus vite.



Rima Tarabay
Vice Présidente
Bahr Loubnan ( Ong mise en place en 2002 avec Rafik Hariri premier ministre du Liban)
Présidente actuelle Mme Nazek Rafic Hariri.

UN RÊVE VERT AU PAYS DES CÈDRES


L'ONG libanaise Bahr Loubnan a décidé de faire de Naqoura, un village écologique. Tri sélectif, préservation du littoral et agriculture biologique doivent lui redonner vie. Une démarche ambitieuse dans un pays où l'écologie reste encore une utopie.
Il est 11h30 quand le chant du muezzin perce les murs de la mosquée. Dehors, le ciel est bleu et le soleil presque au zénith. L'atmosphère est silencieuse et les rues quasiment désertes jusqu'à ce que les convois militaires y pénètrent. En contrebas du village, les fils barbelés et les postes de contrôle ne parviennent pas à gâcher la beauté des lieux.
C'est ici, à Naqoura que l'ONG Bahr Loubnan – La mer du Liban en français - a décidé de lancer son concept de village écologique. « Lorsqu'un ami m'a amené ici, j'ai trouvé l'endroit magnifique et je me suis dit qu'il fallait absolument le préserver », raconte Rima Tarabay, vice-présidente de l'association. C'est ainsi qu'en 2005, elle signe un accord de coopération avec la municipalité. Selon l'ONG, cette initiative est unique au Liban.
Fait surprenant, Bahr Loubnan créée en 2002 par Rafik Hariri a choisi un village qui se situe dans le fief du Hezbollah. Aujourd'hui, plusieurs membres du Parti de Dieu sont accusés par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) d'avoir organisé en 2005 l'attentat qui a coûté la vie de l'ancien Premier ministre. Pour le maire Hezbollah Hussein Awada,  « tant que l'ONG a un but environnemental, il n'y a pas de soucis. Depuis que l'on collabore ensemble, il n'y a eu que des choses positives. L'environnement ne doit pas avoir de couleur politique ». Rima Tarabay ajoute: « Là où la politique a échoué à rassembler les Libanais, l'environnement peut le faire ».
Ce village de 2000 habitants est situé au Liban-Sud, une région occupée de 1982 à 2000 par les troupes israéliennes. Depuis le retrait de l'armée et faute d'un accord de paix, la région a été placée sous le contrôle de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Paradoxalement, les dix-huit années d'occupation ont permis de préserver Naqoura des constructions anarchiques qui ont défiguré une grande partie du Liban depuis la Guerre civile. « Il n'y a aucune prise de conscience écologique de la part du gouvernement libanais, il ne soutient absolument pas notre initiative », se désole Rima Tarabay. Selon le ministère de l'Environnement, le coût de la détérioration environnementale au Liban s'élèverait chaque année à 565 millions de dollars, soit 3,4% du produit intérieur brut.
Du tri sélectif
Il y a un mois, l'ONG a installé un composte dans cinq habitations. Selon l'association, au Liban 60% des déchets domestiques sont organiques. Cette innovation devrait donc permettre d’en éliminer la majorité. Ce jour-là, la vice-présidente entame une tournée des foyers et constate la réussite de cette première expérience de tri sélectif. Rada Radbouni, une jeune maman de 34 ans, l'accueille le sourire aux lèvres. Tout en ajustant son foulard, elle vante les avantages du composte: « C'est vraiment très utile, avant je ne savais pas où mettre les déchets, je trouvais ça dommage de jeter les restes. Aujourd'hui, je pense que tout le monde devrait avoir un composte chez soi. » Rima Tarabay semble soulagée. « Je sais qu'au début tout le monde était sceptique, même le maire, dit-elle. Le tri ne fait pas partie des habitudes des Libanais. » Pourtant, l'ONG Bahr Loubnan espère que ça le devienne. Des poubelles verte, jaune et bleue vont bientôt être installées dans les rues du village.
En juin dernier, l'association s'est également lancée dans le nettoyage du littoral. Même si les plages de Naqoura n'ont pas été dénaturées par des hôtels et des restaurants, les déchets font partie du paysage. « Pour nettoyer la côte, nous avons envoyer des gens du village. C'était une manière de les sensibiliser et de les intégrer dans le projet », explique Rima Tarabay. Mais aujourd'hui, cannettes de soda, papiers et bouteilles en plastique gisent encore sur le sable. « Quand je suis revenue le mois dernier et que j'ai constaté que la plage était sale, j'étais vraiment énervée, reconnaît-elle en riant. J'ai compris que les choses n'allaient pas se faire du jour au lendemain. Ce sera long mais j'y crois. »
Selon Bahr Loubnan, « il n'a pas été difficile de convaincre la population de Naqoura du bien fait du projet ». « Les habitants ont vite compris que nous allions leur permettre de faire des économies. Ici, il est plus facile de parler d'argent que d'environnement. » Le maire de Naqoura, en fonction depuis un an et demi atteste : « La population est ravie. Avec le nettoyage de la plage et l'installation des compostes, ils ont constaté qu'il y avait du concret. »
Redonner vie
Mais le pari est encore loin d'être gagné. Désormais, la priorité est l'eau. A Naqoura, les foyers ne sont pas reliés à un réseau d'assainissement. « Les habitants utilisent énormément de bouteilles en plastique ce qui ne fait qu'augmenter la pollution », constate la vice-présidente. L'ONG a donc décidé de construire une usine de traitement des eaux. Mais les financements privés sont difficiles à trouver. « La Finul devait investir dans l'usine mais elle a reculé », indique Rima Tarabay. Déterminée, cette jeune femme de 46 ans compte frapper aux portes des ambassades étrangères. Par manque d'argent, la municipalité ne participe pas au budget de l'association. « Vue la situation politique, le gouvernement ne nous a même pas versé de budget en 2011 », révèle le maire.
Synonyme d'appauvrissement et de souffrance, à Naqoura comme partout dans le Sud, l'occupation israélienne est encore présente dans tous les esprits. Dans les années 1980, une grande partie des jeunes hommes a fuit le village de peur d'être recruté de force par l'Armée du Liban Sud. Une milice libanaise qui a collaboré avec Israël. « Ces jeunes sont partis à Tyr et Saida, ils ont investi là-bas et très peu sont revenus après 2000. Le village a été déserté », raconte le maire. Le développement durable doit redonner vie à Naqoura, redynamiser le village. « Je veux que les habitants s'approprient leur terre et apprennent à la préserver, insiste Rima Tarabay. Aujourd'hui, c'est une zone militaire donc personne ne veut investir ici. Mais un jour, cette situation va cesser. C'est donc une course contre la montre que nous entamons. »
Un label écologique
L'ambition ultime de Bahr Loubnan est de faire de Naqoura un exemple écologique pour le Liban et l’ensemble du Proche-Orient. L'association a donc le projet de développer l'agriculture biologique et de créer ainsi un label « Made in Naqoura », certifié par une autorité européenne. Depuis de nombreuses années, les agriculteurs du village ont abandonné les cultures traditionnelles - tomates, carottes, aubergines - pour se lancer dans la culture des oranges et des bananes. Mais aujourd'hui, le marché arrive à saturation. C'est le cas de Mahdi Mahdi. La maison de cet agriculteur de 62 ans surplombe le village. Cet après-midi, Rima Tarabay lui apporte des sacs en plastique 100% biodégradables. « Au lieu de mettre tes sacs bleus autour des bananes, mets ceux-là, ils ne polluent pas! »
« Si je me lance dans l'agriculture biologique ce n'est pas pour l'argent. Ce qui est important à mon âge c'est de faire quelque chose pour le bien de l'humanité », affirme Mahdi Mahdi tout en dégustant son café turc. L'ONG sait que les agriculteurs ne vont pas se lancer du jour au lendemain dans le bio. Un groupe de cinq personnes devrait donc inaugurer le concept en lançant une culture biologique sur des terres encore vierges. Mahdi Mahdi joue, en homme sage, le rôle d'intermédiaire: « J'encourage les autres agriculteurs à s'investir dans le projet. Je les rassure et je leur dis que financièrement c'est intéressant parce que les pesticides coûtent très cher. »
L'association, la municipalité et les habitants savent que ce projet sera long. Mais opiniâtre, Rima Tarabay conclut: « Naqoura c'est le projet de toute une vie. Il n'y aura pas de fin. »
 
Fériel Alouti

ECOTOWN